Mickaël Doucet – Le Néo Maniérisme POP
text by Marion Guggenheim
« Ce qu’on doit bien comprendre avec le maniérisme, c’est qu’il a une dimension ludique, le paradoxe maniériste étant très souvent un jeu. » Daniel Arasse
Mickaël Doucet produit une œuvre lumineuse et épicurienne au croisement du pop art et de l’hyperréalisme. Et pourtant sa peinture n’est ni pop, ni hyperréaliste. Il puise son inspiration aussi bien chez Vermeer et De Chirico que Matisse, Hockney ou Picasso. Le terme maniérisme pourrait décrire plus aisément le style de ses intérieurs fondamentalement élégants : Dérivé de l'italien maniera, qui signifie simplement « style », le maniérisme est parfois défini comme le « style élégant » en raison de l'importance qu'il accorde à l'artifice conscient plutôt qu'à la représentation réaliste. L'artiste et critique du XVIe siècle Vasari, lui-même maniériste, pensait que l'excellence en peinture exigeait du raffinement, de la richesse d'invention et une technique virtuose, des critères qui mettaient l'accent sur l'intellect de l'artiste. Le travail de Mickaël Doucet tend donc vers un maniérisme plus ancré dans son époque, un maniérisme contemporain, avec un parti pris intellectuel qui tend à représenter la conception mentale de l’artiste plutôt que de recréer une image de son observation de la nature. Il favorisera dans ses œuvres la manière pour le spectateur d’apprécier la complexité et l’élégance générale de l’ensemble de la composition plutôt qu’une surenchère d’effets compliqués.
Une attention particulière dans son travail est apportée au rendu des matières et aux objets décoratifs. Le vocabulaire usuel qui se rattache au maniérisme est stimulant pour l’imagination et la perception de cet art : élégance, grâce, préciosité, sophistication, étrangeté, irréalisme, paradoxe. On retrouve dans l’œuvre de Mickaël Doucet globalement la plupart de ces termes, ce qui le place effectivement dans cette lignée de peintres maniéristes, de plus influencé fortement par l’œuvre de Matisse, dont il se revendique pleinement comme un fils spirituel. Son art s'y adapte et le peintre, tout en continuant à copier la nature d'après des bases classiques, s'occupe à réaliser des images dans lesquelles il intègre un esprit "artificiel", tant au niveau de la composition des éléments que dans l'insertion de motifs quelquefois insolites. Cet esprit artificiel n’est en rien péjoratif. Il intervient dans le sens spectaculaire du terme de l’artifice (artificium en latin), en mettant l’accent sur l’intelligence et la créativité mais il implique également un sens de la fausseté et du stratagème. L'art s'élève généralement au-dessus de cette fausseté, suggérant plutôt une force créatrice inanalysable. Cette forme d’artificialité du maniérisme du peintre, confèrent aux œuvres de Mickaël Doucet une atmosphère propre, étrange mais souvent rassurante, empreinte d’un naturalisme superficiel presque pop mais pas tout à fait.
Le courant, paradoxal, combine l'invention personnelle de l'artiste avec des codes précis à respecter. Il faut imaginer « le néo-maniérisme pop » (Mickaël Doucet) comme une langue commune que chacun parlerait avec son propre accent. L’œuvre Néo-maniériste Pop est une construction raffinée ; elle s’adresse à un spectateur cultivé capable d’apprécier tout à la fois les effets virtuoses de la peinture et le sens profond du sujet. Mais elle n’en demeure pas moins accessible à un public moins averti, plus sensible à l’immédiateté des rapports de couleurs et de la construction matissienne, qui tend vers une beauté pure et rationnelle plus immédiate, plus émotionnelle ; la complexité de son travail réside dans cet équilibre délicat entre deux mondes qui se complètent, deux cultures qui se marient pour créer son langage propre : le point de jonction réussi entre De Chirico et David Hockney, entre une peinture plus traditionnelle et une peinture plus contemporaine, entre la définition d’un maniérisme classique perçu comme un idéal de beauté et un pop art des années 1970, plus direct et accrocheur.
"What we must understand with Mannerism is that it has a playful dimension, the Mannerist paradox being very often a game." Daniel Arasse
Mickaël Doucet produces a luminous and epicurean work at the crossroads of pop art and hyperrealism. And yet his paintings are neither pop nor hyperrealist. He draws his inspiration from Vermeer and De Chirico as well as Matisse, Hockney or Picasso. The term Mannerism could more easily describe the style of his fundamentally elegant interiors: Derived from the Italian maniera, which simply means "style", Mannerism is sometimes defined as the "elegant style" because of the importance it gives to conscious artifice rather than realistic representation. The 16th century artist and critic Vasari, himself a Mannerist, believed that excellence in painting required refinement, richness of invention and virtuoso technique, criteria that emphasized the artist's intellect. Mickaël Doucet's work therefore tends towards a version of Mannerism more anchored in our time, a contemporary Mannerism, with an intellectual bias that tends to represent the artist's mental conception rather than recreating an image of his observation of nature.
In his works, he will favor the way the viewer appreciates the complexity and general elegance of the entire composition rather than an overbidding of complicated effects. Particular attention in his work is paid to the rendering of materials and decorative objects. The usual vocabulary that is linked to Mannerism is stimulating for the imagination and the perception of this art: elegance, grace, preciousness, sophistication, strangeness, unrealism, paradox. In Mickaël Doucet's work, we find most of these terms, which effectively places him in this line of Mannerist painters, also strongly influenced by the work of Matisse, of whom he fully claims to be a spiritual son. His art adapts to it and the painter, while continuing to copy nature based on classical bases, is busy creating images in which he integrates an "artificial" spirit, both in the composition of the elements and in the insertion of sometimes unusual motifs. This artificial spirit is in no way pejorative. It intervenes in the spectacular sense of the term artifice (artificium in Latin), emphasizing intelligence and creativity, but it also implies a sense of falsehood and stratagem. Art generally rises above this falsehood, suggesting instead an unanalyzable creative force. This form of artificiality in the painter's mannerism gives Mickaël Doucet's works a peculiar, strange, but often reassuring atmosphere, marked by a superficial naturalism that is reads as pop, but not quite.
The paradoxical movement combines the artist's personal invention with precise codes to be respected. We must imagine "pop neo-mannerism" (Mickaël Doucet) as a common language that everyone would speak with their own accent. The Pop Neo-Mannerist work is a refined construction; it is aimed at a cultured viewer capable of appreciating both the virtuoso effects of painting and the profound meaning of the subject. But it is nonetheless accessible to a less informed audience, more sensitive to the immediacy of the color relationships and the Matissean construction, which tends towards a more immediate, more emotional, pure and rational beauty; The complexity of his work lies in this delicate balance between two worlds that complement each other, two cultures that marry to create his own language: the successful junction between De Chirico and David Hockney, between a more traditional painting and a more contemporary painting, between the definition of a classical mannerism perceived as an ideal of beauty and pop art of the 1970s, more direct and eye-catching.